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Bienvenue Sur Tchad-Futur

  • : Le blog de Souleymane Ibrahim Souleymane
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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 18:55
L’opération EUFOR Tchad /RCA : Succès et limites d’une initiative européenne Notes - Guillaume Etienne - 27 avril 2009 L'opération européenne "Eufor Tchad/RCA" s'est achevée le 15 mars dernier. Mandatée pour un an, chargée en priorité de la gestion humanitaire des réfugiés du Darfour, elle a rempli ses objectifs. Cependant, largement mené par Paris, son déploiement a révélé certaines carences opérationnelles et un coût élevé. De plus, les hésitations initiales de nos partenaires européens réaffirment le besoin d'un aggiornamento de la politique extérieure française, et conduisent à un certain pessimisme quant à l'avenir des opérations européennes. L’EUFOR Tchad/RCA est la plus importante opération militaire européenne jamais menée en Afrique. Elle vient de s’achever le 15 mars. Quel bilan en tirer ? Le mandat de la mission avait été fixé par la résolution 1778 de l’ONU : assurer la gestion humanitaire des populations réfugiées au Tchad et en République centrafricaine pour fuir les conflits frontaliers du Darfour, au Soudan. Il s’agissait d’un mandat transitoire dans l’attente du déploiement d’une force multinationale de l’ONU, la MINURCAT II. A l’aune de ce mandat, le bilan de l’EUFOR est satisfaisant. Le déploiement de la mission a été difficile (calendrier mal maîtrisé, coûts élevés, chaîne de commandement complexe) mais l’objectif atteint : la zone de repli des réfugiés (500.000 personnes sur 70.000 km2) a été sécurisée. En revanche, plus globalement, les résultats de la mission posent de sérieuses questions. D’abord, le traitement de la crise du Darfour par la communauté internationale apparaît gravement défaillant. On a traité la périphérie (les réfugiés au Tchad et en RCA) et pas le cœur de la crise, au Darfour même. A ce jour, l’échec du déploiement international au Darfour est patent. Ensuite, l’intervention internationale au Tchad et en RCA a volontairement ignoré la situation politique interne de ces deux pays, pour ne s’intéresser qu’aux réfugiés du Darfour. Ce parti pris est très contestable, étant donné la nature des régimes en place. De fait, la présence de l’EUFOR a contribué à leur redonner une respectabilité internationale et à renforcer leur assise politique interne. Enfin, l’EUFOR était censée s’inscrire dans un aggiornamento de la politique africaine française, visant à « européaniser » les rapports bilatéraux que la France entretient avec ses anciennes colonies dans la gestion de leur sécurité. Or force est de constater que cette européanisation n’est que de façade : c’est la France – et même l’Elysée, dans la grande tradition de la Françafrique – qui a mené l’opération de bout en bout. Le 15 mars 2009, l’opération EUFOR Tchad/RCA passe le relais à la MINURCAT II. Après un an de présence de 3 400 militaires sous l’égide des Nations unies, le bilan apparaît contrasté. Il convient de mesurer les retombées de cette initiative largement pilotée par la France sur le terrain, ainsi que l’implication pour l’Europe de la défense et l’aggiornamento que la France prétend entreprendre dans son rapport à l’Afrique. Face à un contexte tchadien complexe, on est en droit de s’interroger sur la réelle portée de l’action de l’Union européenne et de la France sur le terrain au regard d’un mandat somme toute limité dans ses objectifs (1). De même, la réticence de nos partenaires européens à s’engager pleinement aux côtés de la France et leur engagement limité posent question tant sur la nature des régimes tchadien et centrafricain que sur l’agenda de Paris (2). 1 - UNE OPERATION EUROPEENNE AU BILAN CONTRASTE... Engendrée par la crise du Darfour, la mission de l’opération EUFOR Tchad/RCA au sein de la MINURCAT était adossée à des objectifs essentiellement humanitaires. En dépit d’un mandat clairement identifié et robuste (sous chapitre VII qui autorise l’usage de la force), le dispositif a rencontré des difficultés dans son déploiement, et bien que réels, ses résultats au regard même des objectifs fixés par la résolution 1778 demeurent modestes. 1.1 - UN MANDAT LIMITE AUX SEULES CONSIDERATIONS HUMANITAIRES. L’opération EUFOR Tchad/RCA participe d’une force « multidimensionnelle » mandatée par la résolution 1778 (25 septembre 2008), la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). Outre la sécurisation et le respect des droits de l’homme dans l’est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine, cette mission a pour mission de former une police tchadienne (DIS, détachement intégré de sécurité) chargée de protéger les camps et d’assurer la sécurité dans un périmètre donné. De manière indirecte, il s’agit d’accompagner le déploiement de la MINUAD de l’autre côté de la frontière – Khartoum refusant le principe d’une opération coordonnée des Nations unies, et la moindre connexion entre les deux opérations, opérant ainsi une confusion organique. Le mandat des Nations unies se limite donc à la gestion de la problématique humanitaire qui a pris une dimension aiguë – le nombre de réfugiés étant évalué à 300 000 et celui des déplacés à 200 000, principalement dans l’est du Tchad, auxquels s’ajoutent 45 000 réfugiés et déplacés dans le nord-est de la République centrafricaine. La force européenne s’inscrit dans ce mandat, et l’action commune du Conseil adoptée le 10 octobre 2007 précise que sa mission est d’assister la MINURCAT dans la sécurisation de la zone, et à faciliter la fourniture de l’assistance humanitaire, l’amélioration de la sécurité des populations ainsi que la création des conditions d’un retour volontaire des réfugiés et déplacés chez eux. La « communauté internationale » exclut d’emblée toute immixtion dans les affaires internes du Tchad, et toute forme de conditionnalité politique. Notons que cette posture contraste fortement avec les injonctions envoyées en direction de Khartoum. Il eut été en effet délicat pour les Nations unies de négocier une opération face à un régime qui n’accepta cette présence internationale sur le sol national que sous la pression de Paris. Par ailleurs, à la demande des autorités tchadiennes, le mandat exclut la sécurisation des frontières relevant de la souveraineté nationale. Cette question est pourtant au cœur des interrogations tchadiennes au moment du rezzou de janvier-février 2008 qui traversa le Tchad. En juin, lorsque les mouvements d’opposition armés tentèrent à nouveau un coup de force, le président Déby tint un discours empreint d’ambiguïtés sur le rôle de la force européenne, pointant sa neutralité alors que l’Etat tchadien « légal » était en péril. Nonobstant, cette tentative d’instrumentalisation du dispositif européen resta sans suite et permis à l’EUFOR Tchad/RCA de se démarquer nettement du régime tchadien du point de vue du positionnement politique. Pour le président tchadien, l’opération européenne présentait l’indéniable avantage de n’être assortie d’aucunes conditions politiques et la présence internationale prenait en charge des problèmes non assumés par le régime de N’Djamena. 1.2 - UN DEPLOIEMENT ET UN CALENDRIER CHAOTIQUES Cette cinquième opération de l’Union européenne a vu le déploiement d’un contingent « européen » d’environ 3 400 militaires appartenant à 26 nations différentes (dont trois Etats tiers). La France a fourni : - environ 55% des effectifs totaux, - la responsabilité de nation-cadre pour la partie logistique grâce à la présence des EFT (Eléments français au Tchad) de l’opération Epervier, - l’OHQ du Mont-Valérien (Operational Head Quarter, ou quartier général stratégique) à disposition de l’Irlande (général Patrick Nash), nation-cadre officielle de l’opération mais armée très largement par la France. Le déploiement de l’opération EUFOR Tchad/RCA a souffert de difficultés qui l’ont entravé dans son efficacité et ses modalités d’exécution. Outre l’offensive des mouvements d’opposition armés de janvier-février 2008 qui faillit emporter le président tchadien et différer le déploiement de l’opération, celle-ci a buté sur des difficultés d’ordre politique, une logistique lourde et un terrain peu favorable à des dispositifs militaires de cette nature. Les réticences européennes initiales. La génération de la force a été initialement retardée par les interrogations des Européens sur les motivations réelles de la France. En effet, plusieurs pays redoutent alors une trop grande influence française et que l’opération serve de rempart au président tchadien face aux mouvements d’opposition armée. Cela a entraîné, d’une part, une mobilisation parcellisée des Etats membres de l’Union européenne et un allongement des délais (sept mois entre la décision initiale du COPS (Comité Politique et de Sécurité) en mai 2007 et la première réunion de génération de forces en novembre 2007) ; d’autre part, cette réticence a accru la participation française (volontairement limitée par le seuil des 50%). Seule grande nation à participer à l’opération, la France a donc fourni près de 55% des effectifs, le quartier général stratégique (Mont-Valérien), et l’essentiel de l’effort logistique par l’intermédiaire de la plate-forme de N’djamena (et du dispositif Epervier). Par ailleurs, bon nombre d’analystes ont souligné le peu de pertinence que représentait un commandement divisé entre un état-major stratégique au Mont-Valérien et un second état-major dit « opérationnel » (à N’djamena puis Abéché) dont la responsabilité incomba à un officier français (le général Ganascia), masquant mal le pilotage de l’opération européenne par Paris. Des difficultés logistiques, des moyens insuffisants La dimension logistique a été la plus difficile à gérer. Ces difficultés tiennent à la longueur des lignes de communication, à l’absence d’infrastructures, un climat entravant rapidement la bonne marche de l’opération. Le transport par voie maritime aboutissant au port camerounais de Douala, seule ligne ferroviaire directe pour N’Djamena, ce qui a engendré un temps de transit d’un mois et demi. Le manque de moyens aériens (transport tactique et stratégique) a considérablement retardé la pleine capacité opérationnelle qui est intervenue seulement le 15 septembre 2008 (grâce en à une participation russe en matière d’hélicoptères), soit six mois après l’IOC (« Initial operational capability »), et six mois avant la fin de l’opération ! De manière sous-jacente, ces difficultés logistiques et organiques soulignent l’absence de doctrine en matière de PESD, mais également la nécessité d’une structure de commandement intégré commune. 1.3 - UN BILAN EN DEMI-TEINTE Adossé à un mandat limité dans le temps comme dans le cas des opérations Artémis (2003) et EUFOR R.D. Congo (2006), et non sur des objectifs à atteindre comme c’est le cas de la plupart des opérations militaires modernes, le bilan peut paraître faible pour un coût élevé et difficilement évaluable. Pour rappel, le mandat donné par la résolution 1778 était de : - « (…) contribuer à la protection des civils en danger en particulier les réfugiés et les personnes déplacées ; - faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et la libre circulation du personnel humanitaire en contribuant à améliorer la sécurité dans la zone d’opérations ; - contribuer à la protection du personnel, des locaux, des installations et du matériel des Nations unies et assurer la sécurité et la liberté de circulation de son personnel, du personnel des Nations unies et du personnel associé » C’est à l’aune de ce mandat que nous mesurons ici les résultats de l’opération. Un mandat en partie respecté. Au regard de ces objectifs, le mandat donné à la force européenne a été respecté. Le point sur lequel la quasi-totalité des acteurs (ONG comprises) s’accordent, est la sécurisation de la zone contrôlée par les forces européennes, et ce dès le 15 mars 2008, date de la déclaration de l’« Initial operational capability ». Alors que les camps de réfugiés représentent autant de sources de recrutement pour les différents mouvements armés, celles-ci ont peut-être connu un certain tarissement et dont l’arrêt incombe au Détachement intégré de sécurité. Cette maîtrise du terrain en dépit de son étendue (71 000 km²) par seulement 3 400 personnels militaires a été facilitée par l’attrition que les mouvements armés tchadiens ont connu suite à leur affrontement avec les forces gouvernementales en février 2008 (et à nouveau en juin de la même année). L’ampleur de ces revers obligeait ces mouvements hétéroclites à une pause stratégique nécessaire à la reconstitution de leur potentiel militaire et un regroupement au niveau politique et stratégique. Au final, le principal obstacle sur lequel a buté la force européenne est le grand banditisme, et l’impunité quasi institutionnalisée qui règne au Tchad et en RCA, et dans laquelle la responsabilité des « corps habillés » est incontournable. Mais cette dimension incombait plus particulièrement à la MINURCAT et au Détachement intégré de sécurité. Néanmoins ce processus de sécurisation trouve ses limites. Les objectifs connexes qui étaient d’une part la sécurisation des camps par le Détachement intégré de sécurité (DIS) constitué de policiers tchadiens dont la formation était l’une des principales missions de la MINURCAT I, et d’autre part, le retour des déplacés et des réfugiés chez eux n’ont été que très partiellement atteints. La sécurisation des camps et du périmètre par le DIS n’est intervenue qu’à l’extrême fin du mandat de la force européenne et de la MINURCAT. Cette dernière a rencontré de nombreux problèmes de recrutement des tchadiens et dans la définition des modalités de mise en œuvre de cette police. Le recrutement a représenté un enjeu matériel pour les Tchadiens. La responsabilité n’incombe évidemment pas aux Européens. Néanmoins, l’échec de la génération de cette force de sécurité, vitale pour la pleine réussite de l’opération, se symbolise par la formation fin janvier, de seulement 418 policiers sur les 850 prévus (leur formation et leur déploiement viennent de s’achever), et n’a pas permis d’encourager des retours des déplacés chez eux à hauteur des espoirs initiaux. Sur le deuxième point, le bilan des retours se limiterait à 10 000 personnes. Un déploiement concerté des forces internationales à l’Est du Tchad, au nord-est de la RCA et au Darfour ? La résolution des Nations unies mandatant la MINURCAT et la force européenne puise sa justification dans les répercussions de la crise du Darfour à l’est du Tchad et au nord-est de la RCA, ignorant la situation politique chaotique de ces deux pays. Au demeurant, le déploiement d’une force internationale dans ces deux pays n’avait de sens que dans la mesure d’un déploiement rapide, ou tout du moins une montée en puissance régulière de la MINUAD. Or, les composantes constitutives de la force hybride NU/UA (aucun contingent issu d’une armée moderne), et les entraves multiples posées par Khartoum ont retardé de manière considérable le déploiement de la MINUAD (comme ils ont fait échouer l’African mission in Sudan de l’Union africaine avant elle), et n’ont pas permis un déploiement concerté des deux forces. Un coût élevé Le coût de l’opération est difficilement évaluable pour plusieurs raisons. Il se compose d’une part d’un financement commun par le biais du mécanisme Athéna (119 millions d’euros) et les contributions nationales. Le dispositif de financement Athéna se limite à un financement du coût commun de l’opération sur une année, à charge pour les Etats participants de financer le reste de l’opération, notamment les contingents nationaux déployés. A ce titre la France a donc contribué à hauteur de 130 millions d’euros imputés sur le budget national au titre de l’année 2008. Si on tient compte de la part française dans la contribution européenne (15,57 %, mécanisme Athéna), la contribution totale de Paris se monte à 148,5 millions d’euros pour la seule année 2008. Ce coût n’inclut pas la participation de l’opération Epervier (qui explique une partie du surcoût de cette opération au titre des années 2007 et 2008) au titre du soutien aérien et logistique à l’opération EUFOR Tchad/RCA. En dépit de ce coût élevé, et des problèmes calendaires (déploiement tardif, absence de calendrier jumelé entre la MINURCAT et la MINUAD, retards de la mise en place du DIS), l’opération européenne présente un bilan positif au regard de son mandat initial (sécurisation et émergence des conditions nécessaires au retour des réfugiés et déplacés chez eux). On peut estimer que l’opération EUFOR Tchad/RCA a engendré des conditions positives permettant d’envisager le déploiement d’une force onusienne dans des conditions favorables voire optimales. En revanche, la mise en perspective de cette opération européenne avec la complexité de la situation politique, l’aggiornamento de la politique africaine de la France et l’Europe de la défense montrent des retombées politiques fort minimes. 2 - … MAIS AUX RETOMBEES POLITIQUES MODESTES L’absence de mandat politique donnée tant à la MINURCAT I qu’à l’EUFOR Tchad/RCA et à la MINURCAT II dénote d’une volonté de ne pas interférer dans la situation politique des deux Etats concernés. Or il semble bien qu’à l’issue de cette opération européenne, les régimes des présidents tchadiens et centrafricains, à la légitimité pour le moins contestable, sortent confortés. Cette opération doit être analysée dans la perspective d’une situation politique complexe que l’absence de mandat politique des Nations unies rend problématique. Dans ces conditions et par rapport à l’Europe de la défense, le pilotage français de l’opération rend cette initiative peu probante. 2.1 - UN CONTEXTE REGIONAL COMPLEXE ET OCCULTE Les Européens comme la communauté internationale se focalisent sur la situation dramatique du Darfour et ses effets collatéraux touchant l’ensemble de la sous-région. Ils éludent ainsi les situations internes des deux pays dans lesquels ils se déploient, alors que les régimes en place tant à Bangui comme à N’djamena sont contestés et ont une part de responsabilité indéniable dans les déplacements de populations. Des situations politiques internes volontairement éludées. L’Action commune de l’Union européenne (15 octobre 2007) s’appuie, comme la résolution 1778 des Nations unies, sur le constat des effets collatéraux de la crise du Darfour dans le pourtour régional. Cette crise, qui perdure depuis le début des années 2000, est la résultante d’un croisement de plusieurs problématiques (foncières, identitaires, partage des richesses, rapport de Khartoum avec sa périphérie) et entraîne effectivement des répercussions sur l’ensemble de la sous-région par l’intermédiaire d’un système de conflits qui voient les différentes capitales appuyer et soutenir activement des rebellions dans le voisinage proche. Néanmoins, le Tchad comme la République centrafricaine ont également une histoire troublée, rythmée par l’instabilité politique et se trouvent en état de guerre civile larvée avec une population en armes, des « corps habillés » et des institutions étatiques en situation de faillite. Exclus du jeu politique interne, les mouvements d’opposition armés participent à cette absence de maturité politique. Pour partie armés par Khartoum, dirigés par des leaders rétifs à se coaliser, et dominés par des modèles de prise de pouvoir autoritaires (Hissène Habré, Idriss Déby, et François Bozizé ont tous accédés au pouvoir grâce à un coup de force), ils rechignent à suivre la voie démocratique faute de garanties. En témoigne le dernier coup de force au Tchad (29 janvier au 4 février 2008) qui a commencé par un rezzou classique, s’est achevé par une bataille dans les rues mêmes de N’djamena et a failli emporter le régime. In fine, si l’opération EUFOR Tchad/RCA et aujourd’hui la MINURCAT II visent à juguler les effets de la crise du Darfour, ils ne prennent en compte ni ne répondent en aucun cas aux graves crises que traverse l’Etat tchadien, produit d’un establishment guerrier où se mêlent étroitement partage de la rente pétrolière et intérêt tribaux. Les discours du ministre des Affaires étrangères et européennes mettant en exergue les réfugiés du Darfour, mais moins les déplacés du Tchad et de la RCA à la visibilité médiatique moindre dans les opinions occidentales, confortent ces ferments. L’instabilité de la République centrafricaine obéit à des ressorts différents (rébellions, banditisme de grand chemin très organisés, désertion des fonctionnaires et des agents de l’Etat, irrédentisme du Nord-Est…) et se nourrit des répercussions des crises de ses voisins, notamment du Tchad, ainsi que de la crise du Darfour. Nonobstant, les conséquences sont identiques en matière de déplacés, de bandes armées, la RCA représentant historiquement une zone refuge pour les mouvements armés défaits par N’Djamena, les pouvoirs en exils, les différentes armées privées des leaders de la République démocratique du Congo (dont celles de Jean-Pierre Bemba). La crise du Darfour qui focalise l’attention médiatique et dont les incidences se font sentir sur l’ensemble de la sous-région ne doit pas pour autant éclipser les instabilités politiques internes responsables qui participent des centaines de milliers de déplacés pour le Tchad et de dizaines de milliers pour la RCA. Des situations politiques tendues, des présidents contestés En RCA avec François Bozizé, et plus encore au Tchad, les chefs d’Etat bénéficient d’une légitimité acquise par les armes puis entérinée par les urnes. Longtemps homme-lige de Paris, au même titre que ses homologues Sassou N'Guesso au Congo ou Omar Bongo au Gabon, Idriss Déby Itno doit sa prise de pouvoir à ses qualités manœuvrières politiques et militaires, mais aussi à un appui longtemps resté inconditionnel de la France. Après vingt ans d'un régime autoritaire où les élections relèvent de la figure de style plébiscitaire (1996, 2001 et 2006), son bilan est sans appel : échec des expériences pilotes mises en place par la Banque mondiale, relations acrimonieuses avec la communauté internationale, irresponsabilité totale des gouvernants dans les différentes politiques de développement alors que foisonnent les ressources minérales. In fine, un classique du genre en Afrique. Affaibli par plusieurs années d’autocratie, l'assise politique d'Idriss Déby Itno se réduit aujourd’hui à une infime minorité de son ethnie d'origine, les Zaghawas (entre 3 et 4 % de la population seulement et pour partie au Soudan) et une poignée de fidèles. En effet, la faiblesse du soutien aux Zaghawas du Darfour, une distribution discrétionnaire de la rente pétrolière, une révision constitutionnelle lui permettant de briguer un troisième mandat (achevant de le décrédibiliser), Idriss Déby voit aujourd’hui son assise en termes de puissance restaurée par un faisceau de trois facteurs : - Les affrontements du début de l’année 2008 démontrent la maîtrise du jeu militaire et sécuritaire du président tchadien face à une opposition divisée entre une aile politico-militaire incapable de se fédérer de manière durable et une opposition politique « légale » qui hésite sur la stratégie à adopter ; - Le processus de dialogue politique issu des accords inter-tchadiens 13 août 2007 qui réintègre l’opposition étrillée ad nauseam d’un jeu à l’apparence démocratique, en dépit de la répression qui s’est abattue sur elle et qui s’est soldé par la disparition de Ibni Oumar Mahamat Saleh. - L’opération EUFOR Tchad/RCA qui apparaît comme un levier externe permettant à Idriss Déby Itno de conserver les apparences d’une respectabilité internationale. Parvenu au pouvoir en 2003 par les armes, François Bozizé amorce une trajectoire similaire à celle du président tchadien à ceci prés que la RCA reste dépourvue de richesses naturelles et se trouve doté d’un appareil institutionnel encore plus faible et des « corps habillés » d’une fiabilité encore moindre que ceux dont dispose le président tchadien. L’occultation de cette situation complexe conjuguée avec l’omniprésence de la France dans les rouages de l’opération nous forcent à nous interroger sur sa pertinence réelle. 2.2 - UNE OPERATION EUROPEENNE PILOTEE DE FACTO PAR LA FRANCE Les liens entre la France et ses anciennes colonies sont parsemés d’ambiguïtés et d’incompréhensions mutuelles. Le discours officiel actuel véhiculé par le nouveau Livre Blanc de la Défense et les déclarations du président de la république traduisent la volonté d’un désengagement croissant du dispositif militaire du continent africain, la nécessité de relever le défi sécuritaire sahélien et le transfert des responsabilités en matière de sécurité collective à Bruxelles et aux organisations sous-régionales africaines (selon la logique de l’« appropriation africaine »). Ces ambitions ont du mal à prendre corps. Les multiples motivations françaises. Les relations entre le Tchad, et dans une moindre mesure la RCA, et la France, sont guidées par trois grands axes. Deux relèvent véritablement de postulat françafricain, la troisième répondant à des considérations européennes : - L’Elysée et les experts estiment (à tort) qu’en dépit d’un régime contesté, il n’existe pas d’alternative crédible au président tchadien. Cette position de la diplomatie française suscite un doute conforté par la détention de trois opposants tchadiens (dont un ancien président de la république tchadienne élu démocratiquement) pendant les événements de janvier/février 2008, par l’incapacité d’une commission d’enquête à faire la lumière sur la disparition (et sans doute l’assassinat) de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh . - La place du Tchad au sein du dispositif militaire de la France en Afrique reste pour quelques années encore centrale – N'Djamena permettant des projections de forces dans le reste de l’Afrique. En attendant l’arrivée, aujourd’hui contrariée, de l’avion de transport stratégique et tactique A400M dans les unités, N’Djaména constitue une plate-forme de projection de forces permettant à la France d’intervenir sur l’ensemble du continent. - La volonté de Paris d’élever la dimension « sécurité collective » de la politique en direction de l’Afrique vers Bruxelles afin d’amorcer son aggiornamento. En somme passer le relais en transférant le « fardeau » à la PESD, l’opération EUFOR Tchad/CA participant ainsi de la même logique que l’opération EUFOR RDC Congo, donc d’une affirmation plus grande de l’Europe dans la gestion collective des crises africaine en lieu et place d’une France de plus en plus décriée par les élites africaines. De facto, c’est donc moins la survie du pré carré africain dont elle ne contrôle plus le devenir qui guide les efforts de la diplomatie française que la gestion de l'évolution de son assise géostratégique et le spectre d'un Etat tchadien failli, nouveau foyer de déstabilisation dans la région. Comme le souligne le rapport du Sénat relatif « aux opérations extérieures sous le contrôle du Parlement » (23 janvier 2009) : « [La] France [a] un intérêt stratégique à la stabilité du Tchad situé en plein cœur de l'arc de crise, défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui s’étend de la Mauritanie au Pakistan. Il se situe également au sein d’une autre zone de crise : l’Afrique subsaharienne et, en particulier, aux frontières du Niger et de la zone sahélienne où des organisations islamistes proches d'Al-Qaïda s'installent. Par ailleurs, à l'est du Tchad, la République Centrafricaine et, bien évidemment, le Darfour constituent des zones d'instabilité majeures » Cette posture adoptée au lendemain du 11 septembre permet à la France de justifier ses efforts en vue de conserver une influence déterminante dans la sous-région face à une puissance soudanaise en proie à ses démons internes, au Rwanda dont le dynamisme souligne en creux le mal-développement de ses voisins, et la RDC en voie de stabilisation. Elle contraste néanmoins avec la volonté de Paris de transférer ses responsabilités en matière de sécurité collective. Une opération non probante pour l’Europe de la défense et contraire à l’esprit de l’aggiornamento entrepris par la France . Cette opération s’inscrivait dans trois démarches différentes. A court terme, il s’agissait d’une opération visant à démontrer que la France savait tenir son rang de leader alors que l’apogée de l’opération intervenait au moment de la Présidence française de l’Union européenne. Même si la France n’a pas souhaité endosser le rôle de nation-cadre, elle gardait la main sur l’ensemble des aspects opérationnels (ce que permettait la scission entre commandement stratégique et commandement opérationnel). Sur le long terme, ce déploiement comme les précédents doivent permettre de valider les aspects opérationnels de la PESD. Or, en dépit de la participation de nombreux Etats membres (23 en plus de trois Etats tiers), aucune grande nation européenne hormis la France n’a souhaité s’engager de manière significative. Le détail des participations montre que bon nombre d’entre elles étaient largement symboliques et se limitèrent pour beaucoup à une présence au quartier général du Mont-Valérien. Après sa participation à l’EUFOR R.D.Congo, l’Allemagne estime avoir fourni son écot et n’a pas été convaincue par la pertinence de ce type d’engagement…. Ce désintérêt de la part du principal partenaire stratégique de la France ne laisse pas d’inquiéter lorsqu’on le met en relation avec les changements que la France souhaite opérer dans sa politique africaine en matière de sécurité collective. En effet, l’autre idée-force sous-tendant la stratégie française consistait et consiste encore à faire en sorte de faire endosser la responsabilité de la gestion de la sécurité collective aux organisations régionales et sous-régionales pour la partie africaine et dans la mesure du possible à l’Union européenne. Dès lors, et comme le sous-tendent les nouveaux « accords de partenariat de défense » censés remplacer progressivement les accords de défense, il s’agit de briser le « tête-à-tête » de la France avec les pays africains. A l’avenir, elle souhaite éviter de traiter ces problématiques sur un mode bilatéral, la refondation du lien entre la France et l’Afrique devant nécessairement passer par une élévation des questions de sécurité au niveau européen et sur un mode multilatéral. Ces modes opératoires largement décrits dans le rapport du Sénat de juillet 2006 , mettent en exergue les carences de cette démarche puisqu’elle suppose un traitement « normalisé » des questions africaines en France même. Or, dans le cas de l’opération EUFOR Tchad/RCA, plusieurs aspects démontrent une gestion de cette question sur des modalités que d’aucuns croyaient révolus : - L’appropriation africaine de la gestion de la sécurité collective s’est limitée à un assentiment donnée par l’Union africaine alors que cette dernière venait de connaître une débâcle avec l’African mission in Sudan (AMIS). Une association opérationnelle même a minima (au niveau des commandements stratégique et opérationnel) aurait été légitime et souhaitable. Ce concept d’appropriation africaine qui est au cœur de nos discours relatifs à notre nouvelle posture stratégique en Afrique est quasiment occulté. - Au plan national, comme pour les opérations extérieures précédentes et de manière générale les problématiques africaines, la mainmise de l’Elysée a été prédominante contrairement à ce qu’avait annoncé le président de la République à maintes reprises. Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères et européennes ont largement joué un rôle secondaire dans le montage de l’opération. Au niveau parlementaire, l’information des deux assemblées s’est réduite à l’audition des quelques acteurs nationaux concernés. Aucune mission d’information pouvant mettre en lumière les carences et le bilan de l’opération n’est prévue. De ce point de vue, l’opération EUFOR Tchad/RCA en dépit d’un bilan présenté comme positif dans le domaine de la sécurisation illustre un aggiornamento des relations entre la France et le continent africain mal engagé et qui reste largement discursif. De facto, le déploiement d’EUFOR Tchad RCA a été une occasion manquée de lancer un processus politique au Tchad. Un processus de paix qui pour obtenir une chance d’aboutir doit inclure d’un même tenant l’opposition politique, les mouvements d’opposition armés et le pouvoir en place sous supervision internationale. En effet, à partir du moment où les problématiques politiques n’ont pas été traités, les retombées de la mission ne pouvaient être que modestes in situ. Cela souligne bien la dimension d’une mission de maintien de la paix sans paix à maintenir. Source : terra nova.fr
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